Les populations du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) subissent une pénurie d’eau sans précédent. Un nouveau rapport de la Banque mondiale propose de mener différentes réformes institutionnelles et de gestion des ressources pour atténuer le stress hydrique dans la région.
La Banque mondiale vient d’alerter sur la situation alarmante de la région MENA en matière de pénurie d’eau. Selon un nouveau rapport intitulé « Aspects économiques de la pénurie d’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) », les ressources en eau disponibles par personne et par an dans la région MENA tomberont sous le seuil de pénurie absolue de 500 mètres cubes d’ici 2030. Le Maroc est l’un des cinq pays de la région qui connaissent une pénurie d’eau « sans précédent », aux côtés de l’Irak, de l’Iran, de la Syrie et de l’Égypte.
D’après ALM , La production agricole dans ces cinq pays représente plus de la moitié de leur propre demande en céréales, ainsi que l’autosuffisance en fruits et légumes. Cependant, leur population croît rapidement, et la demande en eau augmente de manière significative. Bien que l’utilisation d’eau non conventionnelle devienne un domaine d’intérêt pour les décideurs et les investisseurs, le rapport note que la région doit faire face à une pénurie d’eau de plus en plus critique.
Les pays de la région MENA, dont le Maroc, ont par le passé investi massivement dans les barrages, exploité des ressources d’eau souterraine et augmenté leurs importations d’eau «virtuelle» en achetant des céréales et d’autres produits gourmands en eau à l’extérieur de la région. Bien que cela ait permis d’améliorer la production agricole et l’accès aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les villes, la Banque mondiale souligne que cette approche expansionniste a atteint ses limites et que les pays doivent faire face à des choix difficiles.
Les possibilités d’augmentation de la capacité de stockage de l’eau ne sont plus extensibles, les eaux souterraines sont surexploitées -avec des conséquences négatives sur la qualité de l’eau- et l’importation d’eau virtuelle expose les pays aux chocs mondiaux. Pour pallier cette situation, la Banque mondiale suggère que le dessalement et la réutilisation des eaux usées sont des options possibles, mais note que l’eau dessalée coûte en moyenne quatre à cinq fois plus cher que l’eau de surface traitée, utilisant 23 fois plus d’énergie.
La pénurie d’eau dans la région MENA exige des réformes audacieuses:
Les institutions qui gèrent aujourd’hui la répartition de l’eau entre des usages concurrents (en particulier pour l’agriculture et dans les villes) sont souvent très centralisées et technocratiques, ce qui limite leur capacité à rendre des arbitrages pour l’utilisation de l’eau au niveau local.
Le rapport soutient qu’une plus grande délégation de pouvoir aux autorités représentatives locales en matière de répartition de l’eau, et ce, dans le cadre d’une stratégie nationale de l’eau, pourrait légitimer des décisions difficiles, contrairement à des directives imposées par des ministères éloignés du terrain.
« Les pénuries d’eau sont une grave menace pour les vies humaines comme pour les moyens de subsistance, car les agriculteurs et les villes se disputent cette précieuse ressource naturelle et sollicitent excessivement les systèmes d’alimentation, explique Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA, qui a participé à Rabat à la présentation du nouveau rapport. Une nouvelle approche est nécessaire pour relever ce défi, notamment en déléguant davantage de contrôle aux autorités locales sur la façon dont l’eau est distribuée et gérée. »
Par le passé, les pays de la région MENA ont investi massivement dans de nouvelles infrastructures telles que les barrages. Ils ont exploité d’importantes ressources d’eau souterraine et accru leurs importations d’eau « virtuelle » en achetant des céréales et autres produits gourmands en eau à l’extérieur de la région. Cette stratégie a permis d’améliorer la production agricole et l’accès aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les villes, mais le rapport constate que cette approche expansionniste atteint maintenant ses limites et que les pays seront contraints de faire des choix difficiles.
Les possibilités d’augmentation de la capacité de stockage de l’eau ne sont plus extensibles, les eaux souterraines sont surexploitées — avec des conséquences négatives sur la qualité de l’eau — et l’importation d’eau virtuelle expose les pays aux chocs mondiaux. Par rapport aux investissements antérieurs dans les barrages et l’exploitation des eaux souterraines, les coûts d’investissement dans les sources non conventionnelles telles que le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées sont beaucoup plus élevés, ce qui exercera une pression supplémentaire sur les finances des pays.
Pour maximiser les possibilités d’accès aux financements climatiques et aux marchés financiers mondiaux, le rapport indique que les gouvernements de la région MENA devront mettre en place des institutions capables de convaincre ces marchés que les pays sauront générer des recettes pour honorer le service de la dette.
« L’octroi d’une plus grande autonomie aux entreprises de services d’eau pour qu’elles puissent se rapprocher de leurs clients et les informer des changements de prix pourrait également permettre de mieux faire accepter et respecter les structures tarifaires, et de ce fait limiter les risques de contestations et de troubles publics au sujet de l’eau, souligne Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA.
Ce type de réformes pourrait aider les gouvernements à renouveler le contrat social avec la population de la région MENA et à renforcer la confiance dans l’État pour gérer la pénurie d’eau. »
Pour que les réformes institutionnelles aboutissent, le rapport préconise une communication claire sur la rareté de l’eau et sur les stratégies nationales en la matière, afin d’expliquer aux populations locales les motivations de certaines décisions. Cette approche a porté ses fruits dans des pays comme le Brésil et l’Afrique du Sud, où des actions de communication stratégique ont accompagné les réformes visant à réduire l’utilisation de l’eau en période de grande pénurie.